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Que veut le Québec? Pas de réforme constitutionnelle, dit Maxime Bernier

Mathieu Dumont
September 2, 2014
Depuis la Révolution tranquille, la question « Que veut le Québec? » a été au centre de tous les débats sur la réforme constitutionnelle. Aujourd’hui, la cause fédéraliste gagne en popularité au Québec et il s’agit d’un moment opportun de se pencher sur la question. Mathieu Dumont de C2C et le député conservateur québécois Maxime Bernier se sont récemment entretenus à ce sujet à Montréal. Bernier affirme que le Québec n’a aucun objectif constitutionnel outre exiger qu’Ottawa respecte les compétences provinciales. Ceci semblerait indiquer que le Québec (ainsi que le Canada) a beaucoup évolué depuis l’époque des crises constitutionnelles qui ont failli déchirer le Canada à la fin du 20e siècle.
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Que veut le Québec? Pas de réforme constitutionnelle, dit Maxime Bernier

Mathieu Dumont
September 2, 2014
Depuis la Révolution tranquille, la question « Que veut le Québec? » a été au centre de tous les débats sur la réforme constitutionnelle. Aujourd’hui, la cause fédéraliste gagne en popularité au Québec et il s’agit d’un moment opportun de se pencher sur la question. Mathieu Dumont de C2C et le député conservateur québécois Maxime Bernier se sont récemment entretenus à ce sujet à Montréal. Bernier affirme que le Québec n’a aucun objectif constitutionnel outre exiger qu’Ottawa respecte les compétences provinciales. Ceci semblerait indiquer que le Québec (ainsi que le Canada) a beaucoup évolué depuis l’époque des crises constitutionnelles qui ont failli déchirer le Canada à la fin du 20e siècle.
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Les trois dernières grandes tentatives d’accommoder les caractéristiques linguistiques et culturelles du Québec dans la Constitution canadienne ont servi à enflammer le mouvement séparatiste. Plus de deux décennies se sont écoulées depuis la dernière tentative et les souverainistes ont été écrasés dans les dernières élections fédérales et provinciales. Le nouveau premier ministre du Québec Philippe Couillard est un fédéraliste convaincu, et ses premières initiatives en matière de politique économique et budgétaire sont compatibles avec le gouvernement conservateur de centre droit à Ottawa. Dans les circonstances, il semble possible d’au moins imaginer une autre tentative de rapprochement constitutionnel entre le Canada et le Québec. Mathieu Dumont de C2C a proposé l’idée à Maxime Bernier, le député conservateur pour la Beauce et le ministre d’État à la Petite entreprise, au Tourisme et à l’Agriculture. Bernier, un concurrent long-shot pour la direction du Parti conservateur fédéral lorsque le premier ministre Harper quittera ses fonctions, est agréablement franc au sujet de la Constitution, y compris la réforme du Sénat, la péréquation et la répartition des pouvoirs. Mais comme le premier ministre, il est pour l’instant très méfiant d’une réforme constitutionnelle.

Pensez-vous que le moment est venu de réformer la Constitution et dans quelles circonstances serait-elle appropriée?

Tout d’abord, comme je l’ai dit dans un discours à Toronto à l’Albany Club, nous n’avons pas à réformer ou à rouvrir la Constitution. Il suffit de la respecter. Je pense que nous avons une très bonne Constitution; nous avons juste à respecter la répartition des compétences entre les deux ordres de gouvernement, et j’entends par là ne pas s’ingérer dans les compétences provinciales. Nous, les conservateurs, nous respectons la Constitution, mais si l’on regarde les libéraux, Justin Trudeau a déclaré dans un discours à Montréal qu’il veut s’immiscer dans les compétences provinciales en matière d’éducation. C’est une de ses priorités pour la prochaine élection. Ce que je dis depuis longtemps, c’est que nous ne devons pas interférer. De cette façon, tous les gouvernements seront heureux, en particulier le gouvernement du Québec. Si on intervient dans les champs de compétences provinciales, on n’aide pas la cause fédéraliste.

En ce qui concerne la répartition des compétences, pensez-vous qu’une réforme est nécessaire?

Je pense [qu’un gouvernement fédéral décentralisé] était l’intention des pères de la Constitution. Toutes les questions locales doivent être de compétence provinciale et les questions nationales de compétence fédérale. C’est ce qu’il en est dans la Constitution en ce moment. C’est pourquoi, quand on regarde la santé, une question qui touche directement les gens au niveau local, les hôpitaux sont de compétence provinciale. Si on regarde le ministère des Affaires étrangères, c’est fédéral. Si vous regardez tous les pouvoirs du gouvernement fédéral, ça découle de cette logique : tout ce qui est national doit revenir au gouvernement fédéral, et tout ce qui est de nature locale et citoyenne doit revenir à l’administration locale. Nous devons suivre et respecter ceci. Donc, pour répondre à la question, nous n’avons pas besoin de réforme : nous avons seulement besoin de respecter la Constitution.

Comment le Québec peut-il se réconcilier avec la Constitution ? Est-ce que la consécration de la « nation québécoise » aiderait?

La nation québécoise et la résolution que nous avons adoptée à la Chambre ont été très importantes pour les Québécois. Je suis très fier de mon gouvernement, qui l’a fait sous la direction du premier ministre Harper. Nous n’avons pas à faire autre chose pour nous réconcilier avec le Québec. Le Québec fait partie de la Constitution et la dernière élection au Québec a bien montré que les Québécois ne se préoccupent pas de la Constitution. Ils se préoccupent de l’économie. Ils ne veulent pas avoir des débats constitutionnels; ces débats ne sont plus pertinents. Ils savent que nous en faisons partie et, en tant que gouvernement, nous les respectons et reconnaissons le Québec en tant que nation, et nous respectons la Constitution. Les Québécois ne veulent pas avoir des débats constitutionnels : ils sont heureux du fédéralisme d’ouverture qui leur est offert.

En ce qui concerne la dernière campagne électorale et l’économie, pensez-vous que l’élection du premier ministre Couillard à Québec ainsi que les revers qu’a connus le mouvement séparatiste ouvrent la voie à une politique économique plus orientée vers le libre marché?

Je le souhaite. Je le souhaite parce que je suis un gars free-market. Je crois en la liberté, je ne crois pas à un gros gouvernement. Je ne crois pas que le gouvernement doit résoudre tous les problèmes, je pense que les gens peuvent souvent résoudre leurs propres problèmes. Nous avons besoin d’un petit gouvernement, pas d’un gouvernement énorme qui va interférer partout. J’espère que le premier ministre Couillard sera plus orienté vers le libre marché. J’étais optimiste par rapport à leur campagne, qui mettait l’accent sur l’économie et la révision de tous les programmes provinciaux. C’est très bien et j’espère qu’ils vont tenir leur promesse. À l’heure actuelle au Québec, nous avons un parti fédéraliste qui croit davantage au libre marché que le gouvernement précédent.

Quelles sont vos pensées sur le libre-échange interprovincial, pensez-vous qu’il soit temps d’éliminer certains obstacles?

Je pense que oui et je suis très heureux de ce que mon collègue James Moore fait maintenant. Il consulte ses homologues et le gouvernement du Québec est ouvert à la discussion. Ce sont de bonnes nouvelles. Nous signons beaucoup d’accords de libre-échange avec l’Europe, la Corée du Sud, la Colombie… beaucoup de pays, mais nous devons avoir un véritable libre-échange des biens et des personnes ici au Canada. Je pense qu’il est temps d’examiner la question sans toucher à la Constitution. Nous devons simplement regarder cela avec les provinces et j’espère que les discussions seront fructueuses.

En ce qui concerne le Québec, pensez-vous qu’il devrait y avoir des changements apportés à la péréquation?

Non, nous n’avons pas à toucher à la péréquation. Le principe est dans la Constitution. La façon dont nous calculons la péréquation peut être modifiée par n’importe quel gouvernement au moyen de consultations avec les provinces. C’est au gouvernement fédéral d’agir. En 2007, le regretté Jim Flaherty a entrepris des consultations avec ses homologues concernant la formule de péréquation. Nous avons fait quelques changements et l’avons améliorée. Je pense que ça va bien en ce moment, donc je ne vois pas la nécessité de changer la formule. Le principe est dans la Constitution et, en la respectant, nous respectons les besoins des provinces.

Vous dites que la Constitution ne doit pas être modifiée, mais avez-vous des commentaires au sujet des droits autochtones et de l’article 35? Doit-il être modifié?

Je n’ai pas dit que la Constitution est parfaite. Si nous n’aimons pas la façon dont les politiciens à Ottawa pratiquent le fédéralisme, ainsi que leur pouvoir, nous n’avons pas besoin de changer la Constitution. Nous avons juste à nous assurer que nous avons des partis politiques à Ottawa qui la respectent. Je pense donc que nous pouvons réaliser quelques changements aux programmes, mais comme je le disais au début, on ne manquera pas de choix lors des prochaines élections par rapport à tout cela. D’un côté, nous aurons le NPD, un parti centralisateur qui veut des tas de programmes sans se préoccuper de la répartition des compétences. De l’autre côté, nous aurons les libéraux, qui affirment l’importance de l’éducation et, donc, qui créeront un programme d’éducation en dépit du fait qu’il s’agit d’une compétence provinciale. Finalement, notre parti, qui respecte la Constitution.

Au sujet de la réforme du Sénat, quelles sont les prochaines étapes?

Nous voulons respecter la Constitution. Si nous ne sommes pas certains de ce que nous pouvons faire par rapport à une question, nous allons demander à la Cour suprême. Nous l’avons d’ailleurs fait : au final le tribunal a indiqué que nous devions passer par un processus qui ne nous intéresse pas, parce que nous ne voulons pas rouvrir le débat sur la Constitution. En ce qui concerne le Sénat, ce sera le statu quo pour nous… Nous nous sommes occupés de la question. La Cour a décrit le processus à suivre et, en tant que gouvernement ayant besoin de l’approbation de toutes les provinces, nous avons décidé de ne pas aller de l’avant. Nous voulons nous concentrer sur l’économie, pas sur un débat constitutionnel. Je pense que ce que le Sénat est en train de faire en ce moment fera en sorte qu’il sera plus transparent, avec l’adoption de nouvelles procédures de fonctionnement actuellement. On remarque déjà des changements comparativement à l’année dernière, comme une plus grande responsabilisation. Nous avons tenté la réforme, nous savons comment il faudrait procéder, mais nous avons décidé de ne pas le faire et j’en suis heureux. Le Sénat se penche maintenant sur les différentes façons d’améliorer ses processus, ce qui est une bonne nouvelle.

Pensez-vous que la Charte a donné trop de pouvoir aux tribunaux de créer des politiques publiques au détriment des législateurs élus?

En tant que législateur, je respecte la cour. En tant qu’avocat, je respecte aussi la cour. Mais en fin de compte, ce sont toujours les élus qui ont le pouvoir. Je n’ai pas peur de ce que le tribunal peut faire; il est toujours possible de changer la loi. Je suis élu pour adopter des lois et donc si la cour interprète la loi contrairement à nos préférences, nous pouvons changer la loi. En fin de compte, le pouvoir est toujours entre les mains des personnes élues. Charte ou non, je comprends mon rôle en tant que législateur, tout comme je comprends le rôle de la Cour suprême. Si nous ne sommes pas satisfaits d’une décision et pensons qu’elle n’est pas bonne, en tant que politiciens, nous avons toujours le pouvoir de changer la législation et de faire ce que nous jugeons bon pour la population. C’est l’aspect le plus important pour moi. C’est une bonne chose d’avoir une Charte des droits dans la Constitution, mais les élus du pays doivent garder leur pouvoir et nous détenons le même pouvoir qu’auparavant.

À votre avis quels sont les principaux défauts de la Constitution de 1982?

Je ne suis pas inquiet à ce sujet. La Constitution est là et nous devons y faire face. Rien n’est parfait. Aux États-Unis, un débat sur la Constitution persiste et il en est de même au Canada. À mon sens, il n’y a pas de défauts majeurs dans la Constitution.

Bien que vous disiez que la Constitution ne doit pas être modifiée, que pensez-vous des droits de propriété et de la façon dont ils pourraient être inscrits dans la Constitution?

Je sais que certains de mes collègues et députés de mon parti veulent voir quelque chose dans la Constitution à ce sujet. Les droits de propriété sont importants, mais le plus important est ce que le gouvernement fait avec l’argent des Canadiens. Donc un gouvernement plus petit qui n’interfère pas dans les affaires privées ne causera pas de problèmes relativement aux droits de propriété. À l’inverse, un gros gouvernement qui taxe les gens et s’ingère partout causera des problèmes : il créera des programmes qui interféreront avec les droits privés tels que les droits de propriété. Je suis en politique pour promouvoir une plus grande liberté et un plus petit gouvernement, moins d’interférence dans le marché privé et le respect des libertés individuelles. C’est un débat philosophique que nous pouvons avoir. Avons-nous besoin d’avoir des droits de propriété dans la Constitution? Je ne pense pas. Nous avons juste besoin d’un gouvernement plus petit qui va donner plus de liberté aux gens et ne pas interférer dans les affaires privées. Si un problème survient quant aux droits de propriété, c’est parce que le gouvernement est en train de faire quelque chose. Il suffit donc d’élire les bonnes personnes qui respecteront la Constitution, qui croiront au libre marché et à la liberté.

Le Parti conservateur du Canada serait-il intéressé à changer la formule d’amendement à l’avenir?

Non, ce n’est pas dans l’ordre du jour du gouvernement du Canada. Avant de faire quelque chose de la sorte, un débat doit avoir lieu. Ce débat doit d’abord se tenir dans notre propre parti. Je n’ai par ailleurs vu aucune résolution à ce sujet venant de notre parti lors du dernier congrès. Il s’agit d’un processus où figurent les membres, le congrès, les résolutions adoptées et non adoptées, la question de savoir si l’on fait partie du gouvernement ou non, et ce que l’on fait avec les résolutions si tel est le cas. Notre ordre du jour est l’économie et non la Constitution.

~

Mathieu Paul Dumont est un étudiant en sciences politiques et en philosophie. Depuis 2012, il a été écrivain et éditeur pour divers médias en ligne. Il est présentement rédacteur en chef du Prince Arthur Herald et chercheur junior avec le Conseil de l’OTAN du Canada.

 

 

 

 

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